Rentabilité du restaurant : Assaisonner la rémunération (FR)

Après avoir considéré, dans les articles publiés les 30 avril et 3 Mai 2018, les pistes pour « Aplatir » les frais généraux et « Pousser » la marge brute, examinons la fin de notre recette visant à augmenter la valeur ajoutée (VA) et la rentabilité d’un restaurant.

3/ « Assaisonner » la rémunération selon la création de richesse

L’influence des 2 brigades d’un restaurant sur la rentabilité peut être maximisée en accommodant les salaires existants avec un ingrédient qui en relève le goût, s’il est basé sur la création de richesse.

Les enjeux de la rémunération des cuisiniers et serveurs

La performance économique et sociale actuelle du restaurant peut être limitée par :

  • Un turnover élevé : excepté dans les groupes qui planifient une forte rotation des effectifs pour limiter la masse salariale, le turnover est un handicap car il bride la performance et génère des coûts d’inefficience ;
  • Les difficultés de recrutement liées à la pénibilité du travail, aux horaires ou au manque d’attractivité de l’employeur ;
  • La structure salariale : à 100% de part fixe pour un serveur ou cuisinier, la motivation au résultat ne repose que sur les outils non monétaires de management
  • Le niveau compétitif de la rémunération : Selon l’étude sectorielle Hays 2017, la fourchette de salaire d’un Chef de rang varie de 19k€ (ancienneté < 3 ans) à 28k€ (> 8 ans) bruts annuels, celle d’un Directeur de 30 à 54k€. Cependant les établissements, essentiellement parisiens, qui rémunèrent le personnel de salle sur la base d’un pourcentage du CA service compris (11,5 à 15%), sont susceptibles, lors des bonnes années, d’offrir aux meilleurs serveurs des salaires deux fois plus élevés que les restaurants appliquant un salaire fixe. Dans une grande brasserie ou un restaurant réputé, le Directeur peut espérer de 60 à 90 k€ de salaire selon l’effectif et le CA.
  • Le manque d’équité salariale : les salaires des Cuisiniers, Chefs de partie, Pâtissiers ou Commis, qui ne bénéficient ni des pourboires ni de la rémunération au service, sont parfois bien inférieurs à ceux de leurs collègues de la brigade de salle, malgré une pénibilité plus importante.

Pour atténuer ces freins à la performance, faut-il augmenter les salaires ou d’autres formes de rémunération ?

En salle comme en cuisine, la tranche d’âge la plus fournie est celle des employés de moins de 30 ans, qui ont des besoins de rémunération centrés sur le pouvoir d’achat d’avantage que sur la retraite ou l’épargne. Mais offrir du pouvoir d’achat avec des salaires supérieurs au marché ne peut s’envisager qu’avec une rentabilité significativement meilleure que celle de ses concurrents ou qu’en faisant abstraction de l’objectif de profit.

Même dans les restaurants qui rémunèrent au service ou qui offrent des bonus à leurs Managers, l’objectif d’amélioration ou de maintien de la rentabilité nécessite un dispositif de rémunération spécifique qui associe tous les employés à sa réussite, car l’influence de chaque salarié compte dans un métier où la performance est avant tout collective. L’intéressement est plus indiqué que le salaire pour y parvenir car il correspond au Performance Salary Cost (PSC) évoqué précédemment et ci-après.

Seuls 7,3% des salariés du secteur Hébergement et Restauration, très atomisé, sont couverts par un accord d’intéressement en 2015, alors que la moyenne tous secteurs se situe à 36%. Avec la suppression du forfait social sur l’intéressement, il y a donc un véritable enjeu de compétitivité à associer les salariés à l’amélioration des performances du restaurant avec ce dispositif.

Pourquoi financer le plan d’intéressement avec la création de richesse ?

Sous l’angle économique, se placer dans une optique de création de richesse et d’augmentation de la VA est bénéfique par rapport à une vision centrée sur le prime cost ou sur le résultat avant impôt. Cela signifie que :

  • Le savoir-faire et le travail des équipiers tendront à être mieux valorisés, par les clients et dans le compte de résultat ;
  • Le potentiel offert par les investissements pourra mieux être exploité par des employés professionnellement et financièrement valorisés ;
  • L’intéressement dépendra le moins possible d’éléments non influençables par les salariés.

La productivité économique du travail se mesure par le ratio Frais de personnel / VA qui est déterminant sur le taux de rentabilité : à 90% vous êtes en danger et à 70% le résultat sera très bon dans ce secteur d’activité : le profit brut d’exploitation avoisine alors 30% de la création de richesse. Avec une structure de charges de personnel donnée, l’objectif est donc de produire plus de VA.

D’un point de vue social, plus la VA et la productivité sont grandes, plus il y a de « gâteau » à partager. En améliorant la productivité du personnel, vous avez plus de marge de manœuvre pour faire évoluer la rémunération de vos cadres et employés sans nuire à celle du propriétaire. À condition de privilégier le PSC (Performance Salary Cost, voir article du 24 avril 2018 Quelle rentabilité visez-vous ?), autofinancé par la création de richesse.

En France, le PSC, sous la forme d’un intéressement différencié, est la solution la plus économique avec un taux d’efficacité 2019 de 92%, contre 57 à 60% pour la prime individuelle ou le salaire (dispositifs par ailleurs globalement moins motivants que le premier).

Le PSC made in France, combiné à un management adapté, génère un effet de levier considérable, dans l’exemple ci-dessous, où 20% d’augmentation de la valeur ajoutée obtenue en 3 ans rime avec :

  • 100% de croissance du taux de profit, qui passe de 10 à 20% de la VA ;
  • Une productivité économique du travail brute de 72% et nette de 80% au lieu de 90% ;
  • Un intéressement équivalent à 2 mois de salaire, 18% d’augmentation du pouvoir d’achat et 8% de la VA du fait de la règle de financement simulée ;
  • De meilleures perspectives de fidélisation.

Pour l’intérêt financier du propriétaire de restaurant, un fort PSC est donc synonyme de création de valeur et peut se traduire par un surcroit de résultat bénéfique aux objectifs à long terme : pérenniser, préparer la transmission, fidéliser le noyau dur en l’associant au capital, financer le développement externe…

Réussir le plan d’intéressement

Associer financièrement les équipes à l’augmentation de la VA et piloter leur performance pour économiser les frais généraux, fidéliser le client ou booster la marge brute unitaire, sont des pratiques recommandées pour améliorer la rentabilité. Pour réussir le plan d’intéressement, il importe de définir des objectifs réalisables et ambitieux, prévoir un suivi régulier et bien communiquer.

La simplicité du système d’intéressement est préférable. Celle-ci elle repose sur :

  • Une formule de calcul compréhensible par les salariés les moins qualifiés ;
  • Un nombre limité de critères de performance, 3 au maximum pour une équipe ;
  • Un choix judicieux de mode de répartition de l’enveloppe.

Un accord d’entreprise ou d’établissement différencié par brigade sera plus efficace pour motiver qu’un accord de groupe non différencié, notamment parce qu’il peut retenir des critères plus influençables par les salariés de chaque brigade.

Tous secteurs confondus, la prime moyenne d’intéressement de l’exercice 2015 s’élève à 1 772 euros et représente 4,5% de la masse salariale des bénéficiaires. Le plan d’intéressement sera donc efficace s’il offre des récompenses cibles motivantes, à partir de 4 à 8% des salaires annuels selon le positionnement concurrentiel salarial, et encourage la surperformance. La prime cible de l’intéressement détermine également la ou les périodicité(s) de versement envisageable(s) : trimestrielle, quadrimestrielle, semestrielle ou annuelle, elle peut s’ajuster au rythme des objectifs de votre entreprise.

Le choix des critères de performance doit favoriser l’alignement stratégique et tactique de l’intéressement – Par exemple, si vous êtes en début de phase de croissance et que votre cible prix est de 20€ pour une durée de repas de 45 minutes, le ratio de roulement aura beaucoup plus d’importance que dans un restaurant bien établi, jouissant d’un taux de remplissage voisin de 100% et positionné à 60€ de ticket moyen. La pondération de ce critère devra donc la refléter.

De même, le taux de croissance du CA sera un substitut à la MB si la priorité de la stratégie d’affaires est de se développer. La MB moyenne ne conviendrait pas aussi bien que la qualité d’accueil et de service pour l’équipe de salle d’un restaurant (gastronomique, étoilé) dont les serveurs ne seraient pas incités à faire des suggestions au client.

Pour rééquilibrer l’écart de rémunération, il est possible d’utiliser un nombre différent de critères pour les équipes de salle et de cuisine en conservant le même niveau de difficulté pour chaque objectif.

En phase de conception d’un projet d’intéressement dans un restaurant, de nombreux autres paramètres de réussite peuvent également être considérés : la précision du système avec l’update des objectifs, les outils de calcul et de reporting, la maîtrise du cadre légal, les liens avec le salaire ou la participation, les simulations d’optimisation de prime des employés, des cadres, du chef d’entreprise et de son conjoint dans les restaurants de moins de 250 salariés.

Certains déclarent que le succès ne peut naître que de l’exploitation de circonstances favorables. Il faut donc d’abord les provoquer. Charles DE GAULLE

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