Rentabilité du restaurant : Pousser la marge brute (FR)

Après avoir considéré, dans l’article publié le 30 avril 2018, les pistes pour « Aplatir » les frais généraux et ainsi bonifier la richesse créée par l’exploitation d’un restaurant traditionnel réputé, examinons la suite de notre recette visant à augmenter la valeur ajoutée (VA) en considérant le potentiel d’amélioration de votre marge brute.

2/ Pousser la Marge Brute (MB) pour créer plus de richesse

Les solutions pour augmenter la marge brute et la valeur ajoutée sont à adapter selon l’orientation stratégique du propriétaire de restaurant : développement externe ou franchisé, croissance interne, virage gastronomique et obtention d’étoile, baisse des prix ou domination du marché local par les coûts, fidélisation du personnel, préparation de la transmission de l’affaire, restauration des marges nettes, etc…

Miser sur la performance commerciale de la salle

En salle, votre équipe se compose d’un Directeur, d’un premier Maître d’hôtel, de plusieurs serveurs, chef de rang, commis, apprenti, sommelier, barman et peut-être d’une hôtesse d’accueil, d’un préposé au vestiaire ou à la propreté en continu des communs.

Au-delà des critères qualitatifs de votre enquête client mystère qui passent au crible l’accueil, les gestes métier ou l’ambiance, demandez-vous quelle est leur marge de progrès en performance commerciale :

  • Connaissance des clients et de leur besoin, personnalisation de la relation ;
  • Maîtrise des techniques de conseil et de vente suggestive ;
  • Gestion des clients difficiles (reviendront-ils ?) ;
  • Traitement des hôtes insatisfaits (feront-ils fuir des prospects en boule de neige ?) ;
  • Connaissance des euros de marge brute de chaque article du menu et de la carte ;
  • Solidarité des équipiers en phase de « coup de feu », remontées d’information ;
  • Connaissance des objectifs commerciaux du restaurant et ceux de leur rang (marge brute, roulement ou nombre de clients/jour, ticket moyen, taux de CA et de MB liquide) ;
  • Degré d’implication dans la réussite des objectifs de la brigade.

Après ce bilan, des décisions et actions pour remédier aux faiblesses ou accentuer les points forts sont à programmer : organisation interne, stages de perfectionnement, coaching, outils de pilotage et valorisation de la performance commerciale, partie « vente-conseil » du briefing de prise de service.

Placés davantage dans un rôle de connaisseur que de vendeur, les serveurs sont, ou peuvent être, formés à proposer à bon escient, des suggestions qui nourrissent l’expérience repas du client. Celles-ci devraient pousser la marge brute, plutôt que le ticket, en s’articulant autour des plats ou vins les plus populaires et à forte marge et ceux moins attractifs mais parmi les plus rentables.

S’ils remontent l’information de bons taux d’acceptation et de satisfaction de la part des clients, une augmentation de prix pourra s’envisager pour les premiers. S’ils remontent les objections des clients pour les seconds, cela permettra de remédier plus aisément à leur manque de succès.

À l’opposé du comportement de preneur de commandes, le serveur ou sommelier conseillant les clients, sans agressivité ni excès, est un véritable acteur contribuant à renforcer votre taux de marge et à obtenir un taux de croissance de la marge brute supérieur à celui du chiffre d’affaires.

Politique d’augmentation des prix : mijoter vaut mieux que flamber ou s’abstenir

Si le Manager d’un restaurant s’abstient d’augmenter annuellement les tarifs jusqu’à ce qu’il soit obligé de le faire, il s’expose à deux risques :

  • Ne plus pouvoir augmenter suffisamment les prix pour compenser la hausse des coûts matière ;
  • Être obligé de les augmenter par la suite trop brutalement avec un impact négatif sur la fréquentation.

La meilleure des voies est généralement d’opter pour une augmentation douce et régulière des tarifs, qui minimisera le ressenti de son incidence sur le portefeuille du client. Les taux d’augmentation pourront être différenciés selon les articles de la carte pour maintenir l’attractivité des produits d’appel, promouvoir les plats moins attractifs à forte marge ou tirer profit de la demande en produits stars.

Réussir l’objectif de MB de votre business plan en fidélisant

Le taux de remplissage ou le ratio de roulement d’une maison traditionnelle sont également décisifs pour le niveau de rentabilité, dès lors que subsiste une marge de capacité inexploitée. L’objectif de MB de votre business plan à 3 ou 5 ans doit idéalement tenir compte de votre potentiel de progrès en fréquentation en visant un certain nombre de couverts supplémentaires, année par année. Pour y parvenir, la performance en accueil et service doit permettre de fidéliser plus de clients ou plus de clients cibles. Les établissements fortement dépendants du tourisme sont à cet égard désavantagés, comme l’ont montré les mois et trimestres suivants les attentats de 2015 en France.

Néanmoins, tous les restaurants peuvent compter sur les effets bénéfiques d’une meilleure fidélisation client : il y a 28 ans, l’article de Earl Sasser (Harvard Business School) et Bain & Company « Zero Defections : Quality Comes to Services » démontrait l’effet démultiplicateur sur la croissance des profits d’une hausse de 5% du taux de fidélisation. Personne n’a démontré qu’ils avaient tort.

Pour atteindre l’objectif de fidélisation, il est recommandé d’associer les salariés de la salle à leur réussite, comme à ceux de marge brute, et de piloter régulièrement leur performance lors des briefings en partageant les informations sur le niveau de pourboire, les évaluations de satisfaction à chaud & froid, la gestion des clients mécontents ou déçus et en saluant tous les cas de seconde visite de client, laquelle marque le début d’une relation plus longue : la fidélité.

Améliorer la productivité de sa brigade sans nuire à la qualité de vos prestations alimentaires

Dimensionner ses équipes avec réalisme, programmer les plages d’ouverture de façon optimale ou faire le bon choix d’investissement en technologie et matériel de cuisine impacte bien sûr la productivité de votre brigade. Celle-ci dépend aussi de la performance individuelle et collective des hommes ou femmes que vous employez, donc de leur motivation à faire un travail de qualité conforme aux attentes de vos hôtes, aux normes d’hygiène et en ligne avec les objectifs économiques qu’il faut donc définir : nombre de couverts, production moyenne par heure ou par personne, MB solide, Coût salarial Brigade ou heures payées ou coût horaire moyen.

Chaque heure de production ou de création engagée par le Chef et sa brigade est susceptible de contribuer au développement de la marge brute, avec un objectif d’amélioration associé, ou au contraire de la freiner, si l’objectif est ignoré.

Le progrès sera facilité, lors du changement de carte saisonnier, si le taux de marge d’un nouvel article du menu est supérieur à celui qu’il remplace, mais sa part des ventes, entre aussi dans l’équation du succès.

L’expérience prouve que la qualité de la gestion des achats et des stocks est aussi indispensable à l’obtention ou à la conservation d’un ratio coût solide (achat solide / CA solide) compétitif, synonyme de rentabilité. Implication des cuisiniers dans l’objectif de production à zéro déchet, inventaire quotidien, ajustement de la fréquence de commandes et contrôle systématique des livraisons conditionnent souvent 1 à 2 points de marge.

Une maison traditionnelle haut-de-gamme performante dans sa gestion matière va viser, selon les produits travaillés, une moyenne de 20% à 30% de ratio cout solide tout en offrant de belles quantités dans l’assiette.

Piloter la performance de l’équipe cuisine avec des objectifs et indicateurs tels que marge brute solide / heure payée ou ratio cout solide permet généralement de rééquilibrer productivité et qualité globale (assiette et gestion) et de mieux valoriser le travail de la brigade dans sa contribution à la performance du restaurant.

Conclusion

Pour restaurer la rentabilité, agir sur la marge brute en mobilisant les deux brigades sur des objectifs de performance appropriés à la stratégie d’affaires du propriétaire est aussi important que la maîtrise des frais généraux. Identifier votre marge de progrès en performance commerciale, fidélisation, qualité de gestion et productivité de l’équipe cuisine est la première étape pour y parvenir.

Rendez-vous dans quelques jours pour la troisième et dernière partie de notre recette « Assaisonner la rémunération ».

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